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Agir en justice... &
agir malgré la justice

Signaler des violences est obligatoire. Pour tout adulte. Et d'autant plus pour les professionnel-les de l'enfance.  Allez directement à la page

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Quand on est victime de violences sexuelles, porter plainte peut souvent ressembler à un nouveau parcours de la/du combattant-e. Pourtant il y a de très bonnes raisons de porter plainte quand on est victime.

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Et en même temps, il faut mieux être averti-e de la situation. Devant l'incapacité massive de la Justice à rendre justice sur des crimes parmi les plus graves qui soient, la question se pose : pourquoi faire encore appel à elle ? Comment agir sans ? Ou comment agir en parallèle ? Et que risque-t-on à cela légalement ?

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Si tu es une ancienne victime adulte ou un-e enfant ou ado, cette page est aussi pour toi. Tu peux aussi consulter les pages qui t'aident concrètement dans tes démarches :

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NB :

- aucun-e juriste n'a participé à la rédaction de ces pages. Ce sont des informations à vérifier.

- on écrit "violeur" car on part du principe qu'on vous croit. Mais pour la Justice il s'agit du/de la mis-e en cause et présumé-e innocent, et cela tant qu'elle ne l'a pas déclaré-e coupable.

Agir en justice

"La présomption d'innocence n'a pas été conçue pour générer un système d'immunité des agresseurs."


- Juge Édouard Durand, septembre 2023

Les enjeux d'un dépôt de plainte

90% des victimes pour viol ne portent pas plainte : un aveu d'inutilité de la Justice ? C'est aussi faute de comprendre les objectifs atteignables : on essaie tout d'abord de définir vos objectifs et de vous aider à vous repérer dans ce qui est possible dans votre cas.

 

Tout d'abord, si vous portez plainte, dans le cadre de violences sexuelles dans l'enfance, une enquête préliminaire sera normalement ouverte et vous pourrez y avoir accès quand elle sera finie.  De plus, le dossier est censé être accessible à la Justice ou à la Police en cas d'autres plaintes similaires impliquant votre agresseur. Et cela, contrairement à une main courante qui ne servira que si vous portez finalement plainte.

On vous a dit le contraire ? En effet, le Procureur peut ne pas donner suite à la plainte sans même demander l'ouverture d'une enquête préliminaire. Mais dans le cadre d'une plainte pour viol et/ou agression sexuelle sur mineur-es, les directives du Ministère de la Justice, jusqu'à nouvel ordre, sont claires : une enquête doit être ouverte afin de prévenir d'autres violences qui auraient pu être commises.

 

Vous avez le droit de dénoncer des violences subies, faites bien attention à la manière de le faire. Communiquer publiquement les éléments de l'enquête pendant l'enquête peut faire l'objet de poursuites pour diffamation et desservir l'enquête. Mais en parler peut aussi permettre de trouver d'autres victimes et d'agir ensemble. Les questions de diffamation publique-  ou privée - sont donc importantes.

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A minima, l'enquête préliminaire permettra que le/la mis-e en cause soit questionné par la police, tout comme les principales personnes mentionnées dans le dépôt de plainte. Bien sûr, plus vous avez d'éléments objectifs et de témoignages, plus l'enquête risquera d'aboutir à un procès. Tout cela peut être long, cher et éprouvant, mais tout cela peut être profondément transformateur et infiniment utile. A chacun-e de savoir quand et comment s'investir au niveau judiciaire... Une chose est sûre : bien se préparer (sans attendre la prescription) est fondamental.

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Quand l'enquête est classée sans suite, que faire ? Il vaut mieux s'y préparer car c'est très souvent le cas, souvent  faute d'éléments. Mais même classée, la/le mis en cause sera alors dans la base de donnée de la justice en cas d'autres plaintes. Et vous serez alors recontacté-e.

Avant de commencer :
savoir à quoi s'attendre

Etape 1 : comment se passe un dépôt de plainte ?

Le dépôt de plainte initial s'appelle un dépôt de plainte simple (contrairement à la plainte avec constitution de partie civile).. C'est la première étape pour une action en justice.

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Vous pouvez le faire de deux manière :

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- auprès de la Police nationale : en vous rendant directement au commissariat (audition directe, par un-e Officier-e de Police Judiciaire spécialisé si vous avez de la chance (en journée et en semaine) ou en contactant le 17 par téléphone, le 114 par SMS, ou par internet, et vous serez alors recontacté-e pour être auditionné-e. Vous pouvez venir avec un dossier écrit : normalement on ne peut pas vous refuser de communiquer ainsi les informations. Attendez vous à un état émotionnel intense et à des risques de dissociations de votre côté. Et à des questions crues - voire intrusives et agacées - sur leur déroulement matériel, même si leur but est normalement de caractériser au mieux les faits et leur contexte. D'où l'importance d'avoir des notes précises et une personne allié-e avec vous.  Ce n'est pas à vous d'avoir honte. C'est à l'agresseur-euse et à la société qui ne vous a pas protégé-e. Répondez le plus concrètement possible et rejetez à l'avance toute insinuation laissant à penser que "vous l'auriez cherché".

C'est éprouvant, soyez accompagné-e, prévenez à l'avance votre avocat-e en cas de problème. Une fois la plainte prise, le dossier va a priori être transmis à la Brigade de Protection des Mineurs.

De plus en plus de policièr-es sont formé-es. Autant que possible, demandez à être reçu-e par un-e policièr-e spécialisé-e.

Si tu es enfant ou ado, tu auras normalement d'emblée le droit à une audition dans un cadre sécurisé-e, avec un-e policièr-e formé-e. Ce sera filmé et tu n'auras pas à répéter les choses difficiles. Tu auras le droit de t'arrêter quand ça fait trop.

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- auprès de la Justice.

- en écrivant au Procureur de la République

- en déposant un dossier écrit au SAUJ.

Vous n'aurez pas d'audition par la police à ce stade, mais une fois l'enquête préliminaire ouverte cela devrait être le cas.

Le signalement ou la main courante n'ont pas du tout la même valeur : le Procureur de la République peut se saisir du dossier et mandater l'ouverture d'une enquête préliminaire... ou pas. S'il y a d'autres victimes vous n'en saurez rien et vous ne pourrez pas porter plainte ensemble. Or, dans les cas de viols, comme il y a rarement des preuves matérielles, rarement des témoins, le fait qu'il y ait plusieurs victimes peut changer la donne. Y compris des années après. Dans le cas d'une main courante, le mis en cause n'apparaitra pas dans les fichiers des enquêteurs dans d'autres enquêtes : une nouvelle victime sera alors perçue comme première victime.

A vérifier auprès d'un-e juriste.

Pourquoi porter plainte ?

Voici plusieurs raisons évoquée pour porter plainte :

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1/  Espérer que l'enquête va apporter assez de preuves ou d'éléments pour qu'un procès ait lieu.

Il y a peu de cas qui arrivent devant un tribunal. Et au final, moins d' 1% de viols sont punis. Mais chaque cas est différent : au-delà des statistiques, vous avez vos chances et le droit fondamental de le faire ! Concrètement, les policiers, en lien avec la/le procureur de la République et le juge d'instruction, vont prioriser les affaires. A la Brigade de Protection des Mineurs de Paris, les enquêteur-ices sont en moyenne chargé-es de plus de 100 dossiers en même temps.

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2/ Vouloir confronter l'auteur du viol et son entourage à ses actes à travers son audition (a priori obligatoire). Une manière de remettre de la loi, du cadre. Ce n'est pas parce que les faits ne sont pas prouvables que la conjonctions d'indices n'est pas suffisante pour lui faire passer un "mauvais moment". Mais il/elle risque de se poser en victime. Attention aux questions de diffamation publique (ou privée).

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3/ Vouloir protéger d'autres enfants/ados/adultes victimes à travers l'ouverture d'une enquête. C'est l'un des motifs les plus souvent donné par les victimes. Et aussi un des motifs prioritaires pour la Police et la Justice. Dans ce cas, il vous faudra être la/le plus précis-e sur les (potentielles) autres victimes : autant que possibles, trouvez leur noms et adresse - même si c'est "juste" un risque de violences.

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4/ Vouloir faire la démarche pour l'enfant que vous avez été-e. Et pour les enfants aujourd'hui et à venir. Ou juste pour reposer le cadre de la loi. Même si vous savez que cela ne va pas forcément aboutir. Même si vous savez que ça va être confrontant.

La procédure judiciaire et policière peut être retraumatisante pour certain-es, si on n'est pas préparé-e, si on tombe sur des professionnel-les pas formé-es ou pro-agresseurs. Et ce n'est pas en tant que telle une thérapie. Mais ça peut être un acte essentiel dans un parcours de reconstruction.

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5/ Votre raison qui n'appartient qu'à vous.

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Après le dépôt de painte

J'ai porté plainte, l'enquête finie, mais l'affaire est classée sans suite

​Motifs courants de classement sans suite :

- l'infraction insuffisamment caractérisée : la justice ne déclare pas que ce que vous décrivez n'est pas caractérisable comme viol ou agression sexuelle. Elle dit que l'enquête n'a pas porté assez de d'éléments pour mobiliser ses services pour un procès. Le fameux "classement 21".

- la prescription : c'était trop tard pour qu'il y ait un procès (mais il y a eu enquête) et elle reste à disposition de la justice. Si d'autres plaintes sont déposées et non prescrites, votre plainte pourra de plus y être rattachée (prescription "glissante").

- l'auteur des faits n'est pas identifié.

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Que faire ?

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Déjà savoir où en est l'enquête : vous n'en saurez sans doute pas averti-es/

Ne vous attendez pas à avoir des nouvelles de votre plainte, même une fois classée : rendez-vous à la case SAUJ (Service d'Accueil Unique du Jusitciable) de votre TGI (Tribunal de Grande Instance) pour réclamer l'accès au dossier et l'adresse mail exacte du bureau du procureur à contacter (vos mail seront des traces si besoin).

Si on ne vous répond pas après plusieurs relances ou que le dossier était classé de manière erroné (ce qui semble courant) : vous aurez besoin d'une avocate. 

Si aucune enquête n'a été réalisée, c'est que vous avez eu droit à ce que des policiers appellent un "classement vertical" : pouf direct à la poubelle. Vous aurez pour autant droit aux actions suivantes :

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1/ Contester dans les délais légaux indiqués sur l'avis de classement. Utile s'il y a un problème manifeste dans la procédure (ex : il est fait mention d'un viol sur majeur alors que c'est un viol sur mineur).

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2/  Porter plainte avec constitution de partie civile.  Dans la majorité des cas, c'est la démarche la plus pertinente. Elle entraine directement une enquête sous la responsabilité d'un-e juge d'instruction. Elle ne peut se demander que

- si votre plainte simple est classée sans suite.

- si vous n'avez pas de réponse de votre plainte par le bureau du/de la Procureur dans les 3 mois (après ouverture de l'enquête préliminaire).

Si vous êtes un-e mineur-e, il faudra passer vos parents ou s'ils sont tous les deux vos agresseurs, il faudra passer par un- administrateur-ice légal-e.

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3/  Demander une citation directe de votre agresseur-euse (au pénal) :

En cas de viol : c'est impossible car le viol est un crime et que l'on ne peut pas demander une citation directe pour des crimes.

En cas d'agression sexuelle (délit). Vous devez connaître son nom. Il n'y aura a priori pas d'enquête approfondie. A vous d'apporter le maximum de preuves qui pourront caractériser les faits.

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4/ Demander des dommages et intérêts :

- soit dans une démarche indépendante du dépôt de plainte : vous n'aurez pas à reprouver les éléments dans le cadre d'une nouvelle démarche,

- soit lors dans le cadre d'une constitution de partie civile (au pénal) : a priori beaucoup plus économique en temps, argent et charge mental.​

Si l'affaire est "correctionalisée"

Correctionaliser une plainte, c'est la faire passer du statut de crime (jugeable devant une cours criminelle ou devant une cours d'assises), au statut de délit.

En cas de violences sexuelles, c'est affirmer que les faits ne sont pas des viols, mais des agressions sexuelles.

Les peines prononçables seront bien moindres. Et l'affaire sera alors jugée par des juges professionnels.

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Les viols (voir la définition légale du viol en France) sont des crimes. Ils doivent donc être jugés devant une cour criminelle, et pour les plus graves, ils doivent être jugés devant une cours d'assises (crimes passibles de plus de 20 ans de réclusion).

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Le procureur de la République peut demander à la plaignant-e d'accepter la correctionnalisation de la plainte et en cas de refus prononcer un non-lieu.  Cela signifie qu'il/elle prétend que l'accusation de viol sera balayée par la défense et que la seule chance de poursuivre est de poursuivre pour agression. Pour rappel : ce n'est pas la plaignant-e/victime qui accuse, mais le Procureur au nom du peuple français. Un non-lieu, c'est alors dire qu'il n'y a pas lieu à poursuivre pour viol.

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Reste à la plaignant-e/victime à se positionner, avec une avocate qui a l'habitude de ces affaires et va lui poser honnêtement les options.

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Si l'affaire donne suite à une enquête supplémentaire, instruite par un juge d'instruction (et possiblement à un procès)

​La/le Procureur décide de poursuivre, au motif de la gravité des faits, du risque encouru par d'autres personnes, et de la solidité du dossier devant une cour pénale.

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Une enquête approfondie va débuter, menée par la police et confiée à un juge d'instruction.

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Suite à l'instruction, un procès pourra alors se tenir. Cela peut prendre parfois des années.

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Pendant ce temps certains mis en cause ont recours à une procédure d'intimidation : un  procès pour diffamation. Celui-ci est instruit bien plus vite, car les faits sur lesquels statuer sont plus faciles à établir (et qu'il n'y a pas assez de policiers pour les enquêtes sur les violences sexuelles.  Il s'agit souvent de pure intimidation :  les plaintes sont souvent retirées à la dernières minutes.

Evaluer ses chances suite à une plainte : un barème approxiatif

Il  n'y a pas de barème officiel bien sûr, mais voici les facteurs de gravité / d'urgence de ce que certaines anciennes victimes ont pu comprendre au fil du temps. N'hésitez pas à vous faire vos retours.

Cette liste est faite pour se faire une  idée, cela ne veut surtout pas dire qu'il faut se résigner : vous pouvez trouver des atouts en plus de votre situation de base.  Et cette carte très approximative n'est pas la réalité forcément changeante et variée des différent-es brigades de protection des mineurs et tribunaux.

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NIVEAU 0

Les faits sont prescrits (vous pouvez porter plainte mais il ne peut plus y avoir de procès uniquement à partir de votre cas, les faits sont trop anciens). Porter plainte peut alors avoir deux intérêts :

--> qu'il y ait une enquête préliminaire : si c'est votre objectif, c'est déjà ça. L'enquête aboutira à un classement sans suite, mais vous pourrez avoir accès aux éléments de l'enquête (sur demande et relances). 

--> pouvoir une fois le classement prononcé ou après 3 mois, vous constituer partie civile.

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NIVEAU  1

Les faits sont prescrits mais un faisceau d'indices fait penser qu'il y a d'autres victimes adultes potentielles. Mais vous ne savez pas qui.

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NIVEAU 2

Niveau , mais les victimes potentielles sont des enfants.

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NIVEAU 3 

Niveau 1 + vous avez les noms des victimes adultes, ou le lieu où l'agresseur est en contact avec elles/eux. Mais pas de preuve.

 

NIVEAU 4 

Niveau 2 + vous avez les noms des victimes enfants, ou le lieu où l'agresseur est en contact avec elles/eux. Mais pas de preuve.

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NIVEAU 5 

Votre plainte n'est pas prescrite, mais vous êtes maintenant adulte, et les faits sont relativement anciens (plus de 10 ans).

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NIVEAU 6 

Niveau 5 et les faits sont récents.

 

NIVEAU 7 

Niveau 6 et il y a potentiellement d'autres victimes.

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NIVEAU 8 

Niveau 7 et vous avez leur nom ou le moyen de les retrouver (lieu de vie ou d'activité).

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NIVEAU 9 

Vous êtes mineur-es.

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NIVEAU 10 

Vous êtes mineur-es et il y a d'autres victimes mineur-es.

Vous avez leur nom ou les moyens de les retrouver

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AS 

Vous avez des preuves matérielles (films, photos...) ou des témoignages directs (de personnes fiables - un concept très biaisé).

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JOKER

Vous êtes célèbre.

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MISTIGRIS : 

- Votre agresseur est célèbre ou a du réseau.

- Un policier, un juge etc. est lui-même criminel ou emprunt de culture du viol.

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Mettre des atouts supplémentaires de son côté

Dans le cadre judiciaire

- Réunissez le maximum d'éléments : certificats médicaux (physiques et psychiques), témoignages, mails, textos, publications sur les réseaux, vos écrits sur un journal intime.... y compris les éléments anciens  démontrant l'impact des faits pour vous et le caractère dangereux du/ de la mis-e en cause

- Trouvez les meilleurs allié-es : proches soutenant-es (les autres risquent d'être un poids), associations et surtout un-e avocat-e

- Trouvez un-e avocat-e spécialisé-e : pénaliste et féministe. Consultez les affaires qu'elles/ils ont défendu-es et leurs éventuelles prises de positions publiques.

De manière extra-judiciaire : calculer les avantages et les inconvénients

- Vous voulez entrez en relation avec d'autres victimes potentielles ? Prévenir l'entourage de l'agresseur du danger qu'il représente ?  Il y a tout un spectre d'actions possibles, chacune plus ou moins répréhensible : discussions avec vos proches un à un, où vous glissez ce qui vous est arrivez (totalement légal) , discussion dans un cadre professionnel restreint à l'oral (diffamation privée) , collages, tractage (information, ou diffamation privée, ou diffamation publique selon le contenu), copie des données informatiques de l'agresseur (potentiellement du vol)... On ne vous y entourage pas, mais devant la gravité des faits et le peu d'issue des affaires sans "preuves", il nous parait normal que vous connaissiez votre capacité d'action : les agresseurs eux y réfléchissent en général en agressant une personne vulnérable derrière les portes bien fermées.  Pour cela, vous avez besoin de connaître les cadres légaux : voire en fin de page les questions de diffamation et de vol de données.

Se lancer

Vous avez des allié-es fiables : avocat-e, psy, ami-es, assos.

Vous avez un minimum d'argent de côté ou des proches prêts à vous soutenir, une cagnotte...

Vous avez un dossier solide.

Vous vous sentez prêt-e. Même si ce ne sera jamais le moment idéal, c'est parti.

Questions de prescription

Depuis la loi de 2021, les viols sur mineurs sont condamnables 30 ans après la majorité de la victime, c'est à dire jusqu'à ses 48 ans.

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Mais si les viols ont eu lieu avant ? La victime ne bénéficie pas de la nouvelle loi : les lois ne sont pas rétroactives.  La victime aura donc 20 ans pour que les faits ne soient pas prescrits.

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A-t-on droit de porter plainte quand les faits sont prescrits ? Oui. Et le Procureur a le devoir d'ouvrir une enquête. Le risque c'est que la plainte soit rapidement classée sans suite... à moins qu'il y ait danger pour d'autres personnes, surtout si elles sont mineur-es.

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Il faut alors autant que possibles donner des informations circonstanciées qui font craindre des agressions/viols : nom des potentielles victimes ou de leurs parents, lieu où les agressions pourraient avoir lieu, témoins...

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Plus moyen de porter plainte si c'est prescrit ?

Vous avez toujours la possibilité de porter plainte. Une enquête sera forcément ouverte. D'autant que depuis peu, les parquets doivent ouvrir une enquête dans ce genre de cas afin de vérifier qu'il n'y ait pas d'autres victimes, notamment des victimes qui seraient encore mineur-es.

Mais le risque est qu'elle soit aussi vite refermée. En effet, la police est surchargée de dossiers : le personnel manque cruellement et l'urgence va bien naturellement aux victimes non-prescrites et surtout aux victimes mineur-es (avérées ou potentielles).

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Reste donc la possibilité de se rattacher à une plainte non-prescrite via "la prescription glissante".

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La prescription "glissante" permet à ce qu'une plainte prescrite se rattache à une autre plainte pour un motif connexe (similiaire) non prescrite à propos du même agresseur/violeur. Mais avec les différentes couches de changement de lois en la matière les calculs sont souvent compliqués. Un cas actuellement fréquent pour des adultes (vu qu'il faut sortir d'amnésie et combattre le déni social), c'est une personne adulte qui a maintenant la quarantaine et qui veut porter plainte. Sauf que la prescription à l'époque de l'enfance/adolescence était de 20 ans à partir de la majorité, donc jusqu'à ses 38 ans.

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Si l'affaire est classée, le bureau du Procureur a 3 mois pour le signifier. Après quoi, la/le plaignant-e a le droit de porter plainte en se portant partie civile. ce qui a pour avantage de garder la plainte ouverte, le temps peut-être que d'autres victimes ne se manifestent.

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Vous pouvez vous faire une idée avec le calculteur du Ministère de la Justice. Mais dans ces cas complexes,, redemandez un deuxième avis est indispensable.

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Agir en justice en risquant des poursuites... mesurées

Pour mette plus de chances de votre côté et protéger des enfants / ados, vous pouvez agir d'une manière qui peut vous exposer à des attaques judiciaires de la part de votre agresseur-euse.

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- En parler et alerter autour de vous : c'est la moindre des choses, et ça permet de trouver d'autres victimes, surtout en cas d'inceste. Mais les agresseurs, en plus de nombreuses stratégies de dévalorisation, d'auto-victimisation.... peuvent vous menacer de vous attaquer en diffamation. Pourtant, c'est un risque pas forcément si grand.

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- Trouver des preuves matérielles qu'il/elle est un-e violeur-euse (ou qu'il commet d'autres actes délictueux ou criminels) notamment via internet.

Agir malgré l'injustice

"La justice nous ignore, on ignore la justice" - Adèle Haenel, novembre 2019

Parler sans être condamné-e pour diffamation
Dénoncer les violences et protéger des victimes dans un cadre restreint est assez sécurisé.

La peur d'être poursuivi-e pour diffamation permet aux mis en cause de menacer et empêche parfois de parler.

NB : nous ne cherchons pas ici à inciter au délit de diffamation. Pour autant, nous souhaitons aider les victimes réelles à pouvoir dénoncer les violences subies en dehors/ sans attendre les résultats hasardeux de procédures pénales souvent très longues et coûteuses, et massivement inutiles en termes de condamnation et de protection d'autres victimes, notamment d'enfants victimes. Et ainsi connaître les risques encouru dans le cadre légal.

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La diffamation non-publique

 

Il est pourtant possible de parler et d'informer des personnes en danger sans risquer grand chose.

La loi distingue en effet la diffamation publique et la diffamation "non-publique", dans un cercle privé ou restreint. Dans un cadre privé, déclarer des violence en nommant leur auteur sans pouvoir prouver les faits est quasiment sans conséquences juridiques. Vous risquez une amende de catégorie 1 : c'est à dire de 38 € au maximum, et encore faut-il que le mis en cause choisisse de se faire remarquer pour si peu.
 

Et ça peut tout changer, pour d'autres potentielles victimes comme pour la victime qui parle, car la parole libère la parole : d'autres victimes se mettent alors à parler. Des enfants et des ados peuvent être protégé-es grâce à votre prise de parole courageuse.

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Soyez pourtant accompagné-e pour que la manière dont vous dénoncez les faits ne puissent pas être interprétés autrement que comme diffamation non-publique. Car il semblerait que ce soit basé sur la jurisprudence.

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La diffamation publique

 

La diffamation publique elle est punie sévèrement  :

-  12 000€ envers un particulier + des peines d'intérêt général

- jusque 45 000€ si circonstances aggravantes, dont le fait que la personne dénoncée soit mandataire d'une forme de fonction publique, ou que les propos soient considérables comme racistes et discriminants.

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Le problème est qu'en tant que tel, les propos en causes sont faciles à établir, alors que les faits dénoncés ne le sont pas... Dans le cas d'un viol, c'est en effet souvent "parole contre parole", et l'enquête judiciaire pour viol n'a pas forcément commencé que le procès pour diffamation est déjà en train de se tenir, même si en principe, il faudrait prendre en compte un dépôt de plainte et la possibilité pour vous de dévoiler des faits de l'enquête (article 35). Comment donc établir une  "vérité juridique" sur laquelle se baser pour arguer que ce n'est pas de la diffamation dans ce cas ?

"La preuve de la vérité des faits doit être totale, parfaite, complète et liée aux imputations diffamatoires dans toute leur portée, pour que la juridiction répressive prononce la relaxe."

La diffamation publique sert massivement de prétexte facile aux procès-baillons.

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Pourtant, là encore, si vous souhaitez dénoncer des faits et protéger des victimes, vous avez des marges de manœuvre.

- votre propre anonymat en tant qu'auteur de la dénonciation ; c'est ce qui s'appelle communément "être un corbeau"... ou un-e lanceur-euse d'alerte ! Si on peut vous identifié-e, vous êtes condamnable.

- l'anonymat de l'auteur-ice des faits, tout en signalant les risques aux potentiels victimes, par exemple en signalant qu'il y a un-e agresseur dans tel milieu et que les victimes peuvent faire appel à différentes associations pour les aider : le CFCV par exemple. Mais là aussi attention à la forme : si vous rendez identifiable la personne en question, même sans dire son nom, c'est punissable comme diffamation publique.  Et l'institution peut aussi porter plainte pour diffamation contre sa propre réputation.

 

Encore plus si vous optez pour cette option, faites-vous bien accompagner par un-e avocat-e spécialisé-e et soyez bien entouré-es.

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Diffamation publique ou non publique ?

Ce sont NOS conclusions pour vous donnez des exemples pratiques. Faites-vous accompagné-es.

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- Dénoncer un inceste à un repas de famille ? C'est privé. 38€ max.

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- Dénoncer un viol sur les réseaux sociaux en compte public ? Jusque 45 000 €.

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- Dénoncer un viol sur les réseaux sociaux mais uniquement à vos "ami-es/ sur un compte privé ?

38 € max. A priori, même si vous avez des centaines d'ami-es.

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- Un-e ami-e copie-colle votre post privé en mode public ? Elle/il encourt des poursuite pour diffamation publique, si on comprend bien (article 35 bis)

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- Publier ou reposter une image d'un-e prévenu-e menotté-e (etc) / un commentaire remettant en cause l'innocence d'un-e prévenu-e non condamné-e ? --> punissable de 15 000 € d'amende (article 35 ter).

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- Dénoncer son agresseur indirectement : en utilisant sa condamnation dans une autre affaire -- > Pas de diffamation.

Vous ajouter des détails des violences subies par la victime pour montrer à quel point cette personne est violente et dangereuse ? Et vous n'avez pas sollicité son consentement ? --> 15 000€ (article 35 quarter).

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- Dénoncer du harcèlement sexuel à une réunion syndicale ou professionnel ? Ca a l'air publique

--> jusqu'à 45 000 €.

Mais si vous accusez un collègue syndicaliste présent à la réunion, pour des faits ayant eu lieu dans ce contexte... en quoi est-ce différent d'une réunion familiale ? D'autant que le milieu a besoin de savoir pour prendre position et vous protéger un minimum, que vous n'ayez pas à quitter vos fonctions pour fuir les violences --> Il vous faut clarifier la situation avec un conseil juridique spécialisé, mais c'est le caractère privé du groupe est en tous cas défendable. --> 38 € max, et le groupe prend position.

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- Distribuer des tracts avec le nom de votre agresseur ? C'est public. Jusque 45 000 €.

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- Coller des affiches de dénonciation ? C'est public. Mais si vous ne vous faites pas prendre... Ou

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- Déposer des tracts avec le nom de votre incesteur-euse (et d'ailleurs pas forcément le votre), dans les boîtes aux lettres de son immeuble, car vous savez qu'il/elle continue d'appâter les enfants avec des cadeaux. --> Ca a l'air public. Mais c'est relativement privé en fait : Ca se limite à la communauté des habitant-es de l'immeuble. --> Il vous faut clarifier la situation avec un conseil juridique spécialisé, mais c'est le caractère privé du groupe est en tous cas défendable. --> 38 € max, et le groupe prend position.

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- Ecrire un mail à ses collègues ? Si vous écrivez sur l'adresse mail de toute son équipe, regroupant des centaines de personnes que vous ne connaissez pas, ça a l'air public. --> jusque 45 000€

Mais si vous écrivez à des personnes ciblées, une à une, dans un but d'information ou de dialogue, c'est a priori un acte privé. --> 38€ max.

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- Dénoncer les faits publiquement alors que l'agresseur-euse est mort-e ? Si vous pouvez prouver que vous ne cherchez pas à porter atteinte à la réputation des vivants (héritiers, ayant droits...), c'est moins gravement puni qu'une diffamation publique sur un vivant, mais nous n'avons pas poussé les recherche (articles 34 et 13).

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Le "vol" de données

Le vol de données est bien sûr interdit par la loi. Mais que faire quand vous pensez que le mis en cause détient des preuves qui pourraient enfin faire en sorte que la justice prenne en compte votre affaire ? Et/ou qu'il détient du matériel pédopornographique et met ainsi  en danger des enfants ? En effet, souvent les agresseurs sont accros au pédoporno et au sexe en ligne, notamment au viol d'enfants à distance.

Le vol n'est pas légal mais dans ces cas, que pèse-t-il face à la vie d'enfants ?

Si vous êtes de la famille de l'agresseur, d'autant plus si vous vivez sous le même toit, cela peut ne même pas être compris comme du vol : vous utilisez l'ordinateur de l'agresseur et  vous tombez sur ce contenu. Ou en cherchant dans sa bibliothèque, vous tombez sur des revues... Posséder de tels contenus est illégal, et cela vous fait craindre le pire : vous avez le devoir de les transmettre à la police.

Si vous copiez l'intégralité de ses contenus informatiques grâce à une clé USB spéciale, vous pourrez détenir une copie-miroir de ses activités sans que ce soit forcément caractérisé comme du vol. Si ensuite vous remettez la clé-USB à la police, cela peut servir d'éléments pour éventuellement obtenir un permis de perquisition ou une enquête liée à ces motifs. Vous pouvez être poursuivi-e pour vol de donné-es, mais vu la cause du vol, c'est peu probable que l'agresseur se ré-expose ainsi et vous aurez des motifs sérieux pour votre défense. La validité des preuves recueillies sera discutable lors d'un procès, mais cela restera bien plus probant que l'absence de preuves.

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